Strophe, A Turning, nouveau film d'Ellie Ga, réalisé au cours de trois ans de recherches, nous embarque sur les traces de messages envoyés à la mer. Suivant son habitude, l'artiste, à partir d'un sujet éveillant son intérêt, a ensuite "dérivé" au gré de ses rencontres et recherches sur ce sujet éminemment poétique pour se confronter à celui, dramatiquement contemporain, des migrants.

Le film s'ouvre sur une citation du poète russe Ossip Mandelstam comparant l'écriture de poèmes à l'envoi de bouteilles à la mer, questionnant ainsi cet acte fou, aussi fou que le fait de recevoir ce message, envoyé par un inconnu à un inconnu. De l'île de Symi, supposée recevoir les bouteilles à la mer grâce à la dérive des courants marins, à celle de Lesbos qui voit arriver des flots de migrants et demandeurs d'asile sur ses côtes, puis à la ville d'Izmir ayant connu dans les années 1920 une émigration massive suite à « La Grande Catastrophe » de 1922, l'artiste observe et questionne cet acte « désespéré et irrationnel » d'envoyer un message à la mer ou, bien plus dramatiquement, de s'embarquer avec sa famille vers un voyage dangereux à l'issue incertaine.

Le film (dans sa version mono screen) se déploie sur fond noir ; les images se juxtaposant les unes aux autres comme les strophes d'un poème en train de s'écrire, mixant les récits et les sens, déroulant rencontres et histoires. La caméra s'attarde sur des objets apparemment dérisoires, bouteilles ou poupées échouées, qui sont pourtant comme les « morceaux de l'âme » d'hommes et de femmes ayant affronté l'adversité.